
Et si l’histoire avait pris un autre chemin ? Si un détail avait changé le cours d’une vie, d’un quartier, d’un monde entier ? Cette exposition explore l’uchronie — un temps qui n’existe pas, une réalité réinventée, pourtant bien présente ici.
À travers photographies, collages, montages et archives inspirés du film YULÍ réalisé dans le quartier Nueva Jérusalem situé dans les marges urbaines de Medellin en Colombie, Patrick Dionne et Miki Gingras questionnent les récits dominants. L’uchronie devient un outil critique, une fabrique d’imaginaires pour réécrire les possibles oubliés. Elle permet aux périphéries de se réapproprier l’histoire, d’exister autrement.
Dans les quartiers en autoconstruction, là où la ville se construit depuis le bas, des récits alternatifs émergent. Le téléphérique — vue d’en haut — contraste avec les luttes du quotidien vues d’en bas. Ce sont des visions fragmentées de la ville, mêlant complexité sociale, stéréotypes de classe, répression policière, surveillance et résilience. El plomo flota, el corcho se hunde, las víboras vuelan…, disait l’écrivain uruguayen Eduardo Galeano. Dans cet univers urbain, la technologie représente un monde où la réalité n’est qu’une option, et où tout reste à réinventer.
Que signifie alors la dignité dans un monde de tête ? Comment se tenir debout quand le sol vacille ? se questionne Yulí. Chaque image ici ouvre un vertige, un doute, une faille dans le temps. L’uchronie n’est pas une fuite : elle est un acte politique, un geste artistique, une manière de voir autrement pour penser ce qui pourrait encore advenir.
Nuria Carton de Grammont
Animations/films, Exposition, Installation, Photographies