Architectures Nomades

Architectures Nomades

Mexico, Mexique, 2011-2014

En l’espace de quelques minutes, les sacs de marchandises, les emballages, les caisses et les cagettes en bois, les tables en plastique et les armatures en métal, les bâches colorées et les panneaux en Arborite se déplient et s’installent dans la rue qui était vide, quelques instants auparavant. Tout est entassé sur le trottoir pendant que l’on procède à l’installation des étals à quelques pas de la chaussée et du flux de véhicules. Le « marchand », ou marchante, comme on appelle populairement en espagnol le vendeur au Mexique, commence son rituel quotidien en montant une structure ambulante qui se transforme tous les jours en buffet, bureau et espace d’entreposage et de rangement. Durant la journée, la rue est son espace de travail. Le soir, l’ensemble se démonte, libérant à nouveau la voie publique.

Au fil de leurs nombreux voyages à Mexico, Patrick Dionne et Miki Gingras ont été captivés par l’exercice chorégraphique et artisanal de ces incroyables décors. Leurs photographies capturent la particularité de cette architecture nomade, l’axe d’une économie populaire qui a ingénieusement colonisé l’espace que leur offrait la cité aztèque. Le montage de telles infrastructures n’a rien de primitif ou d’improvisé, elle exige une grande connaissance du terrain, beaucoup de minutie et de dextérité technique. Chaque geste semble précaire et éphémère, mais il a contribué à perpétuer le commerce traditionnel depuis des siècles, comme on peut le voir sur les peintures murales du Palacio Nacional à Mexico dans lesquelles Diego Rivera a immortalisé le tianguis ou marché préhispanique de Tlatelolco.

Il s’agit d’un savoir-faire qui répond à toute éventualité et s’adapte à tout type de contexte. Ainsi, dans cette logique-là, tout mobilier d’ornement urbain est susceptible de s’intégrer à l’architecte nomade. Ce qui ne s’insère pas en haut trouve sa place en bas ou bien s’attache et se suspend quelque part. C’est l’art de la remorque et du transport de charge. L’espace est sacré, tout se recycle, rien ne se perd. Les images montrent un paysage urbain saturé dans lequel les structures, au lieu de rivaliser, s’emboîtent, tel un kaléidoscope. Une fois le changarro, ou étal, installé, le marchante attend le client qui lui donnera les premières pièces de monnaie avec lesquelles il fera le signe de croix et qui détermineront ainsi si la journée promet d’être chanceuse. Et le rituel se répète inlassablement au quotidien.

Nuria Carton de Grammont
Commissaire, historienne de l’art

« La création de cette oeuvre a été rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec dans le cadre de son programme de résidences d’artistes. »

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Catégorie:

Photographies, Résidences